Ce n’est pas nouveau, le niveau de la population française en orthographe baisse d’année en année. Les médias chiffrent régulièrement cette évolution (voir les liens à la fin de l’article), tout en pointant du doigt le système éducatif qui serait le premier responsable de ce déclin généralisé.
Mon propos aujourd’hui n’est pas d’en analyser les causes ni de désigner des coupables, mais plutôt de chercher des solutions pour aider les jeunes et les adultes qui souffrent de leur relation conflictuelle avec l’orthographe.
L’orthographe, ça vous évoque quoi ? Petit tour d’horizon :
Pour beaucoup, l’orthographe — et son inséparable compagne, la grammaire — sont des créatures étranges à demi-domestiquées : on les maîtrise globalement, mais la méfiance reste de mise… mieux vaut ne pas y regarder de trop près !
Pour certains, c’est carrément une bête noire de l’enfance, qui rappelle les mauvaises notes cuisantes en dictée et autres humiliations.
Pour d’autres à l’inverse, ce sont des valeurs quasi religieuses. On hoche la tête en se lamentant sur leur déclin, la baisse de niveau des jeunes générations, etc.
Cela conduit parfois à de véritables batailles sur les réseaux sociaux, lorsque les extrémistes du verbe vous mettent au pilori pour une faute d’accord, comme si vous aviez commis un homicide volontaire… et se font à leur tour lapider par leurs opposants soi-disant tolérants.
Dans tous les cas, on associe l’orthographe à un jugement de valeur, que ce jugement soit rendu ou subi. Et par effet de conséquence logique, orthographe et grammaire sont souvent perçues de façon très négative.
Et si on arrêtait de culpabiliser ?
La première chose à se rappeler quand on parle d’orthographe, c’est qu’elle n’est pas un objet inerte et fixe. L’orthographe a une histoire et évolue constamment. Un texte de la Renaissance dans sa version originale ne suit pas les mêmes règles que le français moderne. Ce dernier ne date d’ailleurs que du XIXe siècle, et encore, avec quelques réformes entre temps.
L’orthographe est aussi dictée par l’usage, et l’orthographe canonique de 2100 sera probablement différente de celle d’aujourd’hui. On peut aller plus loin et imaginer que des fautes d’aujourd’hui seront la règle établie dans un siècle ! Il faut arrêter de vouloir absolument figer les choses. La langue est vivante. Le vocabulaire, l’orthographe et la grammaire qui en sont les composantes doivent par conséquent continuer d’évoluer, c’est ce qui fait leur richesse.
Cela dit, voici trois bonnes raisons de prendre soin de votre orthographe quand même.
Raison no 1 : la clarté du message
Tout d’abord, l’orthographe permet d’assurer la transmission d’un message sans ambiguïté. Je pense ici essentiellement à tous les homophones : par exemple sa/ça, on/ont, les terminaisons des verbes en — é/-ez/-er… Ne pas maîtriser ces distinctions structurelles risque de conduire à des confusions.
Vous allez me dire, mais à l’oral, on n’entend pas la différence, et on se comprend pourtant !
Oui, certes. Mais à l’oral, d’une part on a tout un contexte non-verbal (ton, expression, gestuelle) qui permet de clarifier la signification. Et dans le pire des cas, votre interlocuteur va immédiatement réagir et demander des éclaircissements. Ce qui est rarement possible dans une communication écrite classique. L’écrit requiert donc davantage de précision que l’oral.
Raison no 2 : un facteur d’intégration
L’orthographe est un code partagé par une société donnée et à ce titre, elle est un marqueur socioculturel. Ne pas maîtriser ce code peut mener à une forme d’exclusion ou de marginalisation, que certains s’imposent à eux-mêmes sous la forme d’un complexe d’infériorité.
On en revient d’une certaine manière au jugement que je mentionnais plus tôt. De nos jours, ce marqueur s’est en partie affaibli, mais il perdure toutefois, en particulier au niveau professionnel.
Maîtriser les règles essentielles de grammaire et d’orthographe reste un atout qui vous donne de l’aisance face aux autres, vous assure une reconnaissance sociale, et se révèle parfois une condition nécessaire pour intégrer le milieu professionnel que vous visez.
Il faut cependant cesser de considérer l’orthographe et la grammaire comme des monstres sanguinaires qui veulent votre peau. Elles ne sont que des outils à votre service !
Certes, ce sont des outils complexes. Bien sûr, savoir les utiliser n’est pas inné. Voilà pourquoi il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, comme vous en demanderiez pour apprendre à vous servir d’un tour à bois, d’un logiciel ou d’un instrument de musique.
Comme pour le reste, vous avez évidemment le droit de recourir à un pro pour vous assister — quelle coïncidence, ça tombe bien, c’est mon métier. Eh oui, en plus de mes prestations de correction en tant qu’écrivain public, je suis aussi formatrice en français ! 😉
Et pour les plus motivés qui visent l’autonomie, il existe des formations complètes pour tous les âges et tous les niveaux, dont la très réputée du Projet Voltaire.
Raison no 3 : les délices du jeu
La plus belle raison à mon sens est cette dernière : que seraient la poésie, l’humour, et toute la littérature sans orthographe ?
Quantité de blagues et de situations comiques de fiction utilisent des subtilités orthographiques, grammaticales et phoniques pour créer des quiproquos ou des calembours. Les comprendre et les apprécier est un premier plaisir. Y prendre part et en inventer de nouveaux procure une jouissance profonde.
C’est là que l’on s’approprie réellement une langue, que ce soit sa langue maternelle ou une langue étrangère d’ailleurs. Le stade le plus élevé dans l’apprentissage d’une langue est l’accès à son humour.
En résumé, je conçois l’orthographe comme faisant partie d’un jeu collaboratif et créatif : le langage, qui permet de partager nos pensées et nos émotions, nos coups de gueule et nos éclats de rire. Comme dans tout jeu, il y a des règles à suivre pour participer. Connaître ces règles de façon approfondie nous autorise à jouer avec elles, voire à les transgresser. Et c’est beaucoup plus drôle de faire des fautes exprès qu’involontairement !
Un peu de magie
En anglais, « orthographe » se dit spelling,tandis que a spell signifie « incantation, formule magique ». L’étymologie des deux mots est en réalité différente, mais n’est-ce pas une jolie coïncidence ?
De là à imaginer l’orthographe comme une forme de pouvoir magique, il n’y a qu’un pas… que je franchis volontiers !
Besoin d’aide avec l’orthographe ? Qu’il s’agisse d’une relecture ou de cours de remise à niveau, ma baguette magique est à votre service. 😊