Deuxième partie — le vocabulaire
Vous avez envie d’écrire, mais la peur de ne pas avoir un bon style vous bloque ? Vous devez rédiger un document, mais vous ne vous sentez pas à l’aise avec le style ? Pas de panique : comme toute compétence, le style se travaille et on peut l’améliorer, il faut juste savoir par où commencer et acquérir quelques bons outils.
Dans le précédent article, j’ai abordé les bases nécessaires à la clarté de n’importe quel écrit, soit la grammaire et la syntaxe. Aujourd’hui, je vais m’attarder sur le lexique. Comme je l’ai déjà dit, la première qualité du style tient à sa limpidité. C’est pourquoi employer un vocabulaire précis et adéquat est essentiel. Pourtant, nous n’exploitons que rarement la richesse de notre langue.
Voici quelques chiffres assez parlants avant d’entrer dans le vif du sujet, avec des conseils à suivre et une liste d’erreurs courantes mais faciles à éviter.
Les Français ou francophones et le lexique :
- À cinq ans, un enfant peut utiliser entre 1 000 et 2 000 mots.
- Le seuil attendu en fin de primaire est de 6 000 mots.
- Avec 3 000 mots, on considère que l’on maîtrise la langue de base.
- Un adulte cultivé possède un lexique de 30 000 mots.
- Le dictionnaire Le Robert compte 60 000 entrées (mais la langue française en compte de 2 à 8 fois davantage selon les sources et le type de recensement).
Bon, mais vous allez me demander, comment faire concrètement pour progresser ?
Transformer le passif en actif
Si vous lisez cet article, vous faites sans doute partie de la catégorie des adultes cultivés. Et pourtant, le fait de connaître du vocabulaire n’entraîne pas forcément son utilisation active. Par simple paresse, nous nous contentons souvent d’approximations bien pratiques et confortables, limitant souvent notre vocabulaire quotidien à quelques centaines de mots. On appelle cela le vocabulaire passif, celui que l’on comprend sans l’utiliser de façon active. Pas de mystère, c’est comme le sport, sans pratique, pas de progrès. Si vous faites l’effort de varier votre expression, votre vocabulaire passif va graduellement se réveiller et devenir actif.
Enrichir son vocabulaire
Si en revanche vous pensez que votre vocabulaire est insuffisant, le seul moyen de l’enrichir passera par l’étude, les recherches, et sur le long terme, les lectures diversifiées. Vous n’êtes pas obligé d’ingurgiter une page du dictionnaire par jour. Cela dit, ouvrir le dictionnaire au hasard de temps à autre et y piocher quelques définitions peut s’avérer un exercice ludique, agréable et très efficace.
Et lorsque vous devez rédiger, forcez-vous à vérifier les mots dont vous n’êtes pas certains dans un dictionnaire, allez fouiller dans les synonymes, amusez-vous à tester des variantes.
Vous trouverez en ligne tous les ouvrages de référence. Parmi mes préférés : Lexilogos et le Portail lexical du CNRTL.
Quelques erreurs courantes à éviter
Quand on a des doutes, il n’est pas si difficile d’aller vérifier. Pour écrire un post sur un réseau social ou un mail à son cousin, on ne prend pas forcément le temps. Mais lorsqu’il s’agit de rédiger une lettre de candidature ou un article à publier, l’enjeu suffit généralement à nous motiver pour ouvrir un dictionnaire.
La dernière difficulté, et non la moindre, réside dans les fausses connaissances : les mots que nous utilisons à mauvais escient tout en étant persuadés que la tournure est correcte. Pourquoi irions-nous vérifier ce que nous croyons savoir ? À moins d’avoir recours à une relecture extérieure, vous risquez de ne jamais identifier ces fautes. J’ai donc listé ci-dessous quelques erreurs communes.
Les confusions entre mots proches (paronymes)
Homonymes, synonymes, paronymes… quel casse-tête !
- Homonyme : « qui a le même nom ». Deux mots qui ont la même orthographe (un cousin peut désigner un membre de la famille ou un insecte), ou parfois la même sonorité et une orthographe proche (un conte de fées et un compte en banque)
- Synonyme : « qui a un sens proche ». Deux mots avec un sens proche ou équivalent, avec souvent des nuances ou des niveaux de langue différents (cher et onéreux).
- Paronyme : « qui ressemble ». Deux mots à la prononciation et orthographe proches, mais avec des sens différents. C’est de ceux-là que l’on parle ici !
À l’oral, la confusion entre paronymes peut passer inaperçue. À l’écrit en revanche, elle devient évidente, voire embarrassante. Voici quelques couples maudits :
- Conjecture/conjoncture : la conjecture est une idée ou hypothèse ; la conjoncture est une situation.
- Éruption/irruption : l’éruption est une sortie ou émission brusque (volcanique, ou cutanée par exemple), alors que l’irruption est au contraire une entrée soudaine.
- Aborigène/arboricole : aborigène caractérise celui qui est originaire du lieu où il vit, et fait souvent référence au peuple aborigène d’Australie ; arboricole caractérise les plantes ou animaux vivant sur les arbres.
- Affluence/influence : affluence est synonyme d’abondance, tandis qu’influence désigne une pression ou autre action qui provoque des modifications.
- Détoner/détonner : détoner signifie émettre un son bref et violent (la détonation d’un explosif) ; détonner signifie sortir du ton, être dissonant.
- À l’attention/l’intention de : « à l’attention de » implique que l’on destine quelque chose particulièrement à une personne comme une marque d’attention ; « à l’intention de » est plus neutre, utilisé sur les courriers.
- Prémices/prémisses : les prémices (toujours pluriel) signifient le début, les premiers signes ; les prémisses sont les deux premières clauses d’un syllogisme, les conditions entraînant la conclusion.
- Séant/céans : séant se dit de ce qui est convenable (ou une forme du verbe ancien seoir, donc qui est assis) ; céans est synonyme d’ici, maintenant.
Les mots mal utilisés
Voici quelques exemples de mots souvent mal utilisés. Une fois que vous les connaissez, vous allez les entendre partout. Même les journalistes et les politiques les emploient à tort de façon régulière, mais ça ne fait pas de mal de connaître la vraie définition.
- Éponyme : « qui donne son nom à », mais il apparaît souvent dans le sens « qui tire son nom de ». (Athéna est la déesse éponyme de la ville, Jane Eyre est l’héroïne éponyme du roman.)
- Gâchette : « pièce intérieure d’une arme à feu ». Comme elle est intérieure, ce n’est pas sur elle que l’on appuie pour tirer, mais bien sur la détente.
- Achalandé : « qui a des clients » (les chalands), mais on l’utilise à tort pour parler des rayons bien garnis.
- Alternative : « choix entre deux options ». L’alternative désigne en français le choix et non l’une des options, mais la faute nous vient de l’anglais où « an alternative » signifie une option.
- Réaliser : « donner réalité à », que l’on trouve souvent dans le sens de se rendre compte de, ce qui est aussi un anglicisme.
- Avoir été : c’est le passé du verbe être qui décrit donc un état et non un déplacement pour lequel on doit employer le verbe aller. On a été malheureux, mais on est allé en Irlande.
Redondances courantes à éviter : (pléonasmes)
Les redondances alourdissent le style. Certaines sont faciles à éviter, vos textes n’en seront que plus fluides.
- S’avérer (
s’avérer vrai) : avérer implique déjà dans sa racine la notion de vérité (on parle d’un fait avéré). En revanche, on peut utiliser s’avérer dans le sens « se révéler » avec d’autres adjectifs : s’avérer de la plus haute importance, s’avérer insupportable, etc. - À mon avis/je pense : les deux expressions sont équivalentes, une seule suffit.
- Voire/même : les deux expressions sont équivalentes, une seule suffit.
- C’est de cela
dontil s’agit : pléonasme grammatical. On doit dire « c’est de cela qu’il s’agit/c’est cela dont il s’agit. - Etc. /… : l’abréviation “etc.” doit être suivie d’un seul point, et remplace les points de suspension.
- Sur un
mêmepied d’égalité : on a ici la fusion de deux expressions équivalentes. L’une ou l’autre des expressions suffit : sur un même pied/sur un pied d’égalité.
Résultat : où vous situez-vous ?
Connaissiez-vous toutes ces expressions et tous ces mots ? Si oui, bravo, vous avez les outils pour écrire comme un pro.
Sinon, j’espère que cet article vous donnera des clés pour améliorer vos écrits.
Dans tous les cas, ne vous laissez pas décourager par des questions de style : ce n’est qu’en écrivant que vous écrirez mieux.
Si vous avez tout de même besoin de relecture, je propose différentes formules que vous retrouverez sur la page de mes services d’écrivain public. Nous pouvons aussi discuter de votre projet sans engagement de votre part et le devis est toujours gratuit.