pages de journal intime

La puissance du journal intime

Le journal intime, ça vous évoque peut-être un cahier décoré de cœurs où une jeune fille raconte son quotidien banal en termes mièvres et larmoyants. C’est bien sûr un cliché. Cela dit, c’est souvent comme ça que l’aventure commence.

Je l’avoue, mes premiers journaux datent de mes 13-14 ans, et j’y ai effectivement beaucoup gémi sur mes petits malheurs. Pour autant, je ne veux pas mépriser ces écrits, car ils ont contribué à me construire. Ils m’ont réellement aidée à traverser les affres de l’adolescence. Même si les préoccupations d’une jeune fille de 16 ans peuvent sembler dérisoires à un adulte, cela reste une période délicate et décisive quand on la traverse.

Tout au long de ma vie, je suis revenue à mon cher papier à chaque crise. J’ai écrit dans de jolis carnets à la couverture cartonnée, dans des cahiers d’écolier bon marché, sur des bouts de feuilles volantes. L’écriture a toujours été ma bouée de secours.

Depuis quelque temps, j’ai appris à écrire « même quand tout va bien », de façon plus méthodique.

Aujourd’hui donc, j’avais envie de partager mon expérience du journal et vous proposer des pistes pour commencer — ou poursuivre — votre pratique de l’écriture du journal intime.

Pourquoi écrire un journal intime ?

Quand tout va mal

La tenue d’un journal intime constitue une pratique thérapeutique d’une efficacité remarquable.

Mettre des mots sur la douleur, l’angoisse, le deuil, c’est déjà un acte de prise de pouvoir sur le monde qui nous entoure. Formuler son mal, littéralement lui donner une forme, c’est une manière de le contenir, de le limiter dans le contour des mots, de l’épingler sur une page blanche.

C’est aussi souvent l’occasion de prendre du recul vis-à-vis de nos problèmes, et de trouver parfois des solutions inattendues à nos blocages.

C’est enfin un excellent moyen de poser des dilemmes à plat afin de peser le pour et le contre de chaque option.

J’ai traversé plusieurs phases de dépression au cours de ma vie uniquement grâce à l’écriture. Lorsque j’ai ressenti le besoin d’une thérapie en plus de l’écriture, ma psy m’a d’ailleurs dit que « je faisais presque tout le travail toute seule ». En effet, quelques séances ont suffi à me remettre d’aplomb. L’écriture permettait de démêler mon sac de nœuds interne et de prendre du recul entre deux consultations, et je ne venais au final que pour valider le travail accompli.

Cela dit, j’avais besoin à l’époque de cette validation : il n’est pas du tout question ici de nier l’importance d’une consultation avec un spécialiste, bien au contraire ! Mon propos est que l’écriture est complémentaire à une psychothérapie et en décuple les bienfaits.

Quand tout va bien

L’écriture n’est pas qu’une thérapie, c’est aussi une pratique artistique créative.

En tant qu’écrivaine professionnelle et autrice, j’ai besoin de pratiquer l’écriture sous toutes ses formes. C’est à la fois une exploration, un entraînement, un échauffement. Comme les croquis des peintres, comme les gammes des musiciens, comme les étirements des sportifs.

Pendant des décennies, je lâchais mon journal dans les périodes plus paisibles. Je n’y revenais que lorsque j’avais besoin d’aide. Mais depuis que j’ai repris sérieusement l’écriture de fiction et changé de métier, ma pratique du journal a elle aussi évolué.

La tenue de mon journal quotidien est devenue un rituel que je poursuis désormais même quand « tout va bien ».

La lecture l’an dernier du livre de Julia Cameron The Artist’s Way (traduit en français sous le titre Libérez votre créativité) m’a totalement confortée dans cette voie. Les « pages du matin », comme elle les nomme, offrent un outil fabuleux pour la créativité.

Elle permet tout d’abord de purger notre cerveau de ses préoccupations lancinantes. Plus intéressant encore, elle ouvre la porte à l’expression de notre subconscient. Et il possède bien souvent les clés que nous cherchons en vain… simplement parce que nous cherchons au mauvais endroit en bâillonnant ce subconscient.

Comment tenir un journal ?

La première règle, c’est qu’il n’y a pas de règle pour tenir un journal !

Le but du journal intime, comme son nom l’indique, c’est de rester intime. De n’être lu par personne d’autre que vous. Jamais. Jamais. Jamais.

Dans votre journal, vous devez vous sentir totalement libre. Libre d’écrire n’importe quoi et n’importe comment : analyser votre journée ou énumérer une bordée de jurons, noter vos fantasmes les plus inavouables, avec des fautes et des ratures, en travers des lignes, en spirale, en rouge ou en vert, à la plume ou au crayon… L’essentiel est d’écrire ce qui vient, sans jugement et sans retenue.

Pas de règle, donc, mais des pistes que je vous invite à explorer pour multiplier les bénéfices de cette pratique.

Écrire à la main

L’écriture manuscrite stimule des muscles et zones du cerveau différentes de la saisie sur un clavier, sans compter que les yeux se reposent davantage sur le papier que devant un écran. Vu le temps que l’on passe derrière un ordinateur ou un téléphone chaque jour, je trouve cette pause sur un cahier rafraîchissante.

Autre bénéfice du papier : on peut encore mieux laisser libre cours à sa créativité, utiliser différentes techniques, couleurs, formats. On peut écrire sous forme de calligramme ou carrément ajouter des dessins, calligraphier un mot ou une phrase, ou au contraire gribouiller de façon illisible. On peut même écrire de l’autre main !

Écrire à heure fixe (ou presque)

Julia Cameron explique que le moment du réveil est le plus propice pour accéder à notre subconscient. Elle conseille donc dans l’idéal d’écrire dès le réveil, avant même de se lever.

Pour ma part, je prends non seulement le temps de me lever, mais même de me servir un café ! 😉

Cela dit, l’écriture reste ma première activité de la journée et j’apprécie vraiment ce sas de calme avant d’attaquer les choses sérieuses.

Dans l’absolu, je pense que l’horaire dépend de chacun. N’hésitez pas à tester différents moments sur une période de quelques jours ou semaines, vous aurez peut-être des surprises.

En revanche, je suis persuadée qu’il est utile d’instaurer une routine, et donc d’écrire toujours à peu près au même moment. Je reprendrai simplement l’analogie avec les autres pratiques artistiques ou sportives : quelle que soit l’activité, la régularité est essentielle pour s’entretenir et progresser.

Se faire plaisir

Pour que la tenue d’un journal porte ses fruits, elle doit perdurer. Et pour perdurer, elle ne doit pas être synonyme de torture ni d’ennui. C’est pourquoi vous devez la prendre comme un acte agréable, voire ludique. Amusez-vous, variez la forme et les sujets abordés. Laissez gambader votre imagination, oubliez les règles de bienséance et de grammaire, explorez, testez tout et n’importe quoi. Dans votre journal, vous êtes l’unique capitaine à bord !

Piocher des idées partout

Si vous manquez d’inspiration, allez visiter le site du Journal Créatif. Anne-Marie Jobin propose des dizaines de suggestions pour varier ses entrées en fonction de l’humeur ou de votre objectif.

Ou tournez-vous vers les adeptes du Bullet Journal. Pinterest et les autres réseaux sociaux regorgent de modèles de pages qui peuvent aussi trouver leur place dans votre journal intime : liste de souhaits, pages de gratitude, diagramme « Level 10 life », etc.

Et vous ?

Est-ce que vous tenez un journal ? Quelles sont vos raisons pour le faire, à quelle fréquence écrivez-vous, quels bienfaits retirez-vous de votre pratique ?

Je suis toujours curieuse de partager les expériences, et je serais ravie de lire des retours d’autres « journaleux/ses ». Racontez-moi en commentaire !

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