La ponctuation non standard ou poétique

Connaissez-vous la ponctuation non standard, aussi appelée ponctuation poétique ou sauvage ?

Voici une petite galerie de portraits de signes inventés par divers auteurs et graphistes, destinés à animer les écrits, à la façon des émoticones actuels.

Joyeuse visite !

L’origine de la ponctuation standardisée

L’évolution de la ponctuation

En réalité, la ponctuation que nous connaissons n’est pas si ancienne.

L’écriture a environ 6000 ans, mais la ponctuation est apparue très progressivement. En outre, la graphie des signes de ponctuation reste très libre et varie d’un copiste à un autre.

La standardisation typographique est liée à l’imprimerie qui débute au XVe siècle, et c’est à partir de cette époque que des règles de ponctuation s’instaurent.

La résistance des écrivains

Même si quelques voix s’élèvent ponctuellement à propos des lacunes de la ponctuation, les imprimeurs en demeurent les grands maîtres et gardiens incontestés jusqu’au XIXe siècle.

L’écrivaine George Sand s’insurge publiquement contre ce monopole. Elle revendique le droit pour chaque auteur de ponctuer ses œuvres comme bon lui semble.

Le débat est lancé : les écrivains s’intéressent de plus en plus à la question de la ponctuation et reprennent la main sur cette composante de leurs écrits.

Certains poètes, tels Apollinaire et Mallarmé, en jouent en éradiquant carrément toute ponctuation.

D’autres au contraire inventent de nouveaux signes : la ponctuation non standard ou poétique voit le jour.

La ponctuation non standard

Les précurseurs

Dès 1841, Marcellin Jobard, lithographe belge, suggère des points de ponctuation émotionnels : point d’ironie, d’hésitation, d’irritation, etc. Mais l’Académie décline ses propositions.

En 1899, Alcanter de Brahm, poète et critique français, présente un point d’ironie, d’ailleurs répertorié dans le dictionnaire Larousse de l’époque : c’est une sorte de point d’interrogation en miroir.

Le prolifique

En 1966, Hervé Bazin, écrivain français, invente six nouveaux signes de ponctuation dans son essai sur l’orthographe Plumons l’Oiseau. Chaque graphie incarne le sens du signe.

  • Le point d’acclamation : deux points d’exclamation inclinés représentent le V de la victoire.
  • Le point d’autorité : il symbolise le parasol d’un sultan.
  • Le point de conviction : un point d’exclamation se transforme en croix.
  • Le point de doute : il oscille entre le point d’exclamation et celui d’interrogation.
  • Le point d’ironie : basé sur la lettre grecque psi, il évoque le son d’une flèche.
  • Le point d’amour : deux points d’interrogation forment un cœur.

Les autres créations

Raymond Queneau, autre écrivain français, crée un point d’indignation : un point d’exclamation tête en bas.

L’Américain Martin K. Speckter conçoit en 1962 l’interrobang ou point exclarrogatif, qui unit les points d’exclamation et d’interrogation en un seul signe. Pour info, vous trouverez ce signe dans les caractères spéciaux des polices habituelles sous Word : ‽

Michel Ohl, poète et membre du collège de pataphysique, imagine le point d’aisance ou point de merde : un point d’exclamation surmonté d’un oméga minuscule… graphiquement très explicite !

Olivier Houdart et Sylvie Prioul ont quant à eux inventé un point de dépit mêlé de tristesse, formé de trois points verticaux.

Le plus contemporain

Le designer typographique Thierry Fetiveau a conçu une police de caractères spécialement destinée à la littérature enfantine et à sa lecture à haute voix.

La police Andersen est dotée de onze signes de ponctuation inédits afin d’exprimer les émotions.

Ces symboles, placés en début et fin de phrase, indiquent au lecteur le ton à adopter.

Conclusion

La ponctuation standard demeure clairement insuffisante pour exprimer toutes les nuances de notre pensée à l’écrit.

Aujourd’hui, les émoticones ou émojis envahissent et enrichissent nos publications numériques. Malheureusement, ils restent malvenus dans des écrits formels – et s’avèrent peu pratiques en écriture manuscrite.

Si la ponctuation non standard ne s’est toujours pas imposée, elle continue de faire rêver, comme le prouve Thierry Fetiveau.

Pour ma part, j’adorerais pouvoir utiliser des points d’émotion dans tous mes écrits. Pas vous ?

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